Quand une association anti-corruption ne donne pas l’exemple …
L’année 2023 s’est mal terminée mal pour Anticor, l’association anti-corruption la plus connue de notre pays. Le tribunal administratif puis la cour d’appel ont annulé le décret ministériel qui avait renouvelé en 2021 l’agrément lui permettant de se porter partie civile dans un certain nombre d’affaires de corruption. Quant à sa nouvelle demande d’agrément, elle vient de faire l’objet d’un refus tacite de la part de la ministre des affaires étrangères en charge du dossier.
La presse a abondamment relayé les propos de la présidente d’Anticor qui crie au procès politique mais curieusement ne parle jamais des raisons de fond de cette crise. Elle va même jusqu’à prétendre dans une interview récente que seule la mauvaise rédaction du décret par les services de Jean Castex expliquerait la décision des juridictions. Mauvaise mémoire ou mauvaise foi ?
Si c’est un problème de mémoire, rappelons lui tout de même que c’est bien parce que l’association sous sa direction a failli en terme de transparence interne qu’elle a ainsi donné des rasions aux juges d’annuler la décision de renouvellement d’agrément.
Bien sûr, le gouvernement actuel qui traîne un certain nombre d’affaires peu reluisantes n’est pas mécontent de voir trébucher le chevalier blanc que prétendait être Anticor. Quel pouvoir, quelle que soit sa couleur politique, ne le serait d’ailleurs pas ? Car la gangrène de la corruption, des petits arrangements entre amis, de la confusion entre intérêt général et intérêts privés semble plutôt gagner du terrain que reculer et n’a pas, hélas, de couleur politique.
On peut certes discuter à l’infini de la procédure d’agrément : il y a effectivement un problème puisque celui qui l’accorde ( en l’occurrence le gouvernement) risque de se trouver gêné par les actions de l’association à qui il donne cet agrément. Mais quelle autre solution ? La Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique ? Elle a déjà été critiquée et accusée de ne pas être totalement impartiale. Quelle structure peut d’ailleurs être vraiment indépendante de toute influence ?
S’il n’y a pas de solution parfaite, la première chose à faire pour une association qui en appelle à la vertu, c’est donc d’abord de ne pas prêter le flanc à la critique. Mais apparemment, l’autocritique ne fait pas partie du logiciel des dirigeants de l’association qui sont peut-être au fond LE problème. Reconnaissons cependant à la présidente un réel talent à se faire passer pour l’agneau qui vient de naître, elle qui a justifié le fait d’accepter un donateur dont la fortune est « au chaud » dans des paradis fiscaux au motif que « le plaidoyer d’Anticor s’adresse aux États et pas aux particuliers »( sic), elle qui a menti au moins par omission à la mission d’information parlementaire, elle qui se vante d’avoir fait revoir les statuts de l’association alors qu’elle s’y était opposée en 2019, elle qui n’explique jamais au grand jamais les griefs qui ont poussé 7 anciens administrateurs à recourir à la justice ( contentieux toujours pendant!), eux qui se sont fait évincer un à un précisément parce qu’ils voulaient protéger l’association en instaurant une véritable transparence interne et un renouvellement réel des dirigeants.
Je ne doute pas qu’il y ait au conseil d’administration actuel d’Anticor des militants sincères mais je comprends difficilement qu’ils fassent passer « l’intérêt supérieur » de l’association avant la vérité et l’honnêteté ; je ne doute pas non plus de la sincérité des milliers d’adhérents d’Anticor mais je regrette qu’ils soient aussi mal informés et se satisfassent du discours de victime de leur présidente et de son bureau.
Reste un point sur lequel je partage totalement les propos d’Élise Van Beneden : « il faut, dit-elle dans la même interview, plus d’associations qui s’attaquent à la corruption ». Elle a totalement raison ! Et fort heureusement, certains n’ont pas attendu son appel pour agir. C’est votre cas à Ethicpol, comme ça l’est aussi pour AC !! Nos associations sont nées toutes deux de la déception d’adhérents sincères face aux dérives d’Anticor. Bien que sans agrément pour l’instant, elles travaillent et sont à l’origine de plaintes suivies par le parquet.
Alors, non, définitivement, la lutte contre la corruption n’est pas l’apanage d’Anticor et c’est tant mieux ! Bon courage à vous toutes et tous qui consacrez à Ethicpol du temps et de l’ énergie. Il y a du travail ! Je vous suis reconnaissante de m’avoir nommée présidente d’honneur et prends grand intérêt à suivre vos actions. Puisse 2024 renforcer votre visibilité localement et nationalement !
Françoise Verchère, maire et conseillère générale honoraire,
Présidente d’honneur d’Ethicpol.