Le maire d’Istres devant le Tribunal judiciaire de Paris.
François Bernardini, maire d’Istres comparaîtra devant la justice en juin 2026, pour favoritisme, prise illégale d’intérêt, et détournement de fonds publics.
La procédure a été ouverte en 2016, à la suite de signalements de la CRC (Chambre régionale des comptes) et de la Cour des comptes, portant sur la gestion de la commune d’Istres.
C’est principalement dans le cadre d’attributions de marché publics à des entreprises auxquelles François Bernardini était lié, soit personnellement, soit économiquement que les signalements ont été faits.
Il n’est pas seul à être poursuivi : la première adjointe Nicole Julia, le DGS Nicolas Davini, la DGS adjointe Valérie Sommaco, des architectes Frédérik Rill et la société Atrium, ainsi que Philippe Colonna, fondateur de la SAVIM.
Marc Einaudi, poursuivi également, avait choisi la procédure de la CRPC (Comparution sur Reconnaissance Préalable de Culpabilité) en 2024.
Trois remarques sur cette affaire :
1/ François Bernardini a été élu maire d’Istres pour la première fois en 2001. Condamné en 2002 à 18 mois de prison avec sursis, cinq ans inéligibilité et 60 980 euros d’amende dans un dossier pour abus de confiance, il avait démissionné.
Il a été réélu en mars 2008, en 2014, puis en 2020.
Ses 5 ans d’inéligibilité n’ont donc pas eu d’effet sur le vote des Istréens, qui lui ont renouvelé leur confiance à trois reprises. Rien à redire à cela.
Sans présumer de ce que décidera le tribunal, nous persistons à penser que la limitation à deux mandats successifs permettrait d’éviter que s’installent des habitudes susceptibles de conduire à des dérives plus ou moins graves.
2/ En notre qualité de citoyens, nous n’avons pas nécessairement les moyens d’investigation et les compétences juridiques pour analyser correctement les décisions prises par les exécutifs locaux.
La Chambre Régionale des Comptes dispose de ces moyens, de même que les associations comme la nôtre.
D’où le rôle fondamental des lanceurs d’alerte, au premier rang desquels les élus d’opposition, pour faire les signalements qui s’imposent dès qu’ils détectent ou soupçonnent un délit. Rappelons que depuis 2016, la loi protège les lanceurs d’alerte.
3/ Le procès aura lieu en juin 2026, c’est-à-dire après les élections municipales, pour lesquelles François Bernardini sollicitera un nouveau mandat.
Certains diront qu’il eût peut-être été préférable qu’il ait lieu avant.
D’autres ne manqueront pas de dire que le Parquet a fait en sorte de ne pas être accusé d’intervenir dans l’élection en tenant le procès avant ces dernières.
Nous n’avons aucun élément en faveur d’une thèse ou de l’autre.
Mais cela pose, de nouveau, la question de l’exécution provisoire.
Encore une fois, nous ne présumons en rien de la culpabilité des prévenus, ni de la sentence du Tribunal, dans l’hypothèse où cette culpabilité serait reconnue.
Mais il faut rappeler qu’au cas où les prévenus seraient déclarés coupables de favoritisme, prise illégale d’intérêt, et détournement de fonds publics, la peine d’inéligibilité serait automatique (loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021).
Que se passerait-il si la peine était assortie de l’exécution provisoire ?
Il faut rappeler que pour les élus locaux, une peine d’inéligibilité assortie de l’exécution provisoire entraîne la déchéance immédiate de leurs mandats locaux.
C’est la raison pour laquelle Marine le Pen a dû démissionner de son mandat de conseillère départementale du Pas de Calais.
En revanche, pour les parlementaires condamnés à une peine d’inéligibilité, cette dernière ne peut être assortie de l’exécution provisoire, car pour déchoir un parlementaire de son mandat, il faut attendre que sa condamnation soit définitive. C’est pourquoi Marine le Pen est restée députée du Pas de Calais, sa condamnation n’étant pas définitive.
Si François Bernardini était réélu en mars 2026, et condamné en juin, l’exécution provisoire l’obligerait à démissionner immédiatement de son mandat de maire. Le préfet prendrait alors l’arrêté constatant la déchéance, et nommerait une Commission Spéciale pour gérer la commune jusqu’à l’élection d’un nouveau maire par le Conseil Municipal. La commune continuerait à être gérée sous la direction du nouveau maire.
En l’absence d’exécution provisoire, et sous réserve qu’il fasse appel de sa condamnation, François Bernardini bénéficierait de la présomption d’innocence, et pourrait continuer à gérer la ville d’Istres, et ce, jusqu’à épuisement des recours.
On voit donc que, concernant l’exécution provisoire, deux points de vue s’affrontent :
Les partisans de la mesure pourront rappeler que d’une part François Bernardini a été déjà condamné et déclaré inéligible pendant 5 ans, et que d’autre part le procès de juin est l’aboutissement d’une enquête de 10 ans sous la férule du PNF. Il serait donc légitime, en cas de condamnation, de considérer, outre la gravité des faits, qu’il est nécessaire d’ôter immédiatement au prévenu tout pouvoir de gestion, afin d’éviter le risque de récidive.
En effet, les délais de la justice étant ce qu’ils sont, l’absence d’exécution provisoire permettrait probablement au(x) prévenu(s), même condamné(s) d’exercer leur mandat jusqu’à son terme.
A l’opposé, les adversaires de l’exécution provisoire rappelleront que la présomption d’innocence est un principe intangible de notre droit.
Elle concerne tous les prévenus, quel que soit leur statut, et quels que soient les faits qui leur sont reprochés.
En conséquence, jusqu’à épuisement de tous les recours, tout individu condamné est présumé innocent.
Cette présomption est totalement remise en cause par l’exécution provisoire.
Il appartiendra aux parlementaires, dont il faut rappeler que ce sont eux qui ont voté cette disposition, de décider s’il convient de la maintenir en l’état, de l’aménager, ou de la supprimer.
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