COUPABLE, MAIS DISPENSE DE PEINE
Le 29 avril, Jean-Pierre SERRUS, maire de la Roque d’Anthéron et vice-président de la métropole chargé des transports, a été reconnu coupable de prise illégale d’intérêt mais dispensé de peine par le Tribunal d’Aix en Provence.
Il lui est reproché d’avoir signé quatre permis de construire pour des sociétés dans lesquelles son oncle par alliance (l’époux de la sœur de sa mère) était gérant ou associé.
L’affaire est partie d’un signalement d’Anticor, à la suite des révélations de Marsactu et du Ravi en 2019, à propos de modifications du PLU sur les terrains en cause.
Ce ne sont pas ces modifications qui ont fait l’objet des poursuites, mais la délivrance des permis de construire.
Pour arguer de sa bonne foi, le maire explique en premier lieu, qu’il a mis en place une procédure qui consiste à déléguer à la métropole l’instruction des permis, et au Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement du département (CAUE) l’étude d’insertion des projets dans le paysage.
La mairie n’intervient donc pas dans la phase qui précède la signature, puisque cette phase est en quelque sorte externalisée, le maire ne faisant que signer.
En second lieu, Jean Pierre SERRUS explique que, pour éviter tout conflit d’intérêt, il s’est fixé comme règle de se déporter lorsque sont concernés par ses décisions ses « descendants, ascendants, frères et sœurs ».
Il explique également qu’il ne connaissait pas les détails de la gouvernance des sociétés concernées, ce qui revient à dire qu’il ne savait pas que son oncle par alliance en était gérant ou partie prenante.
Mais lorsque le Président lui demande “Est-ce que la sagesse ou la prudence n’aurait pas été de se déporter, comme vous avez déjà pu le faire dans d’autres dossiers ?”, il répond : Je ne l’ai pas fait et je continue à penser que j’ai bien fait« .
Il semble donc bien que Jean-Pierre SERRUS n’ignorait pas le risque de conflit d’intérêt, mais estimait que d’une part, le lien de parenté avec son oncle par alliance était trop ténu pour qu’on puisse soupçonner un quelconque favoritisme, et d’autre part, que la procédure d’instruction des permis qu’il avait mise en place offrait toutes garanties d’impartialité.
Le tribunal ne l’a pas suivi, et l’a reconnu coupable du délit de prise illégale d’intérêt, estimant qu’il aurait dû se déporter.
Mais il l’a aussi dispensé de peine. En effet, les juges ont estimé que d’une part, il n’y avait pas d’enrichissement personnel, et d’autre part que la procédure d’instruction des permis mise en place par le maire avait le mérite d’exister, même si elle était imparfaite.
En d’autres termes, l’absence de profit personnel et la bonne foi de l’auteur n’empêchent pas le délit d’être constitué, car il s’agit d’un délit purement formel : Jean-Pierre SERRUS a signé ces permis, qui concernaient un de ses proches.
En revanche, ce sont des éléments que le Tribunal peut prendre en compte lorsqu’il décide des sanctions. C’est ce qu’il a fait.
Comme il est d’usage, Jean-Pierre SERRUS et le Parquet (qui avait requis 18 mois de prison avec sursis, et 3 ans d’inéligibilité avec exécution provisoire) ont 10 jours pour faire appel.
Il ne nous appartient pas de commenter une décision de justice.
Mais cela ne nous empêche pas de réfléchir aux bonnes pratiques susceptibles d’éviter ce genre de situation.
1/ Lors du dépôt d’une demande de permis de construire par un demandeur autre qu’une personne physique (entreprise, groupement, association, société, etc.), il conviendrait de rendre obligatoire la mention de l’identité des personnes physiques ayant un intérêt dans l’entité qui dépose la demande.
Cette disposition permettrait de savoir qui est derrière la demande, ce qui supprimerait l’exception d’ignorance derrière laquelle peuvent se réfugier certains maires, parfois en toute bonne foi.
2/ Dans l’hypothèse où existerait un risque de prise illégale d’intérêt, du à l’existence d’un lien réel ou présumé entre l’autorité de délivrance du permis (le maire), et le demandeur, il conviendrait soit de soumettre le dossier au référent déontologue pour avis, soit de se déporter, cette dernière solution étant plus simple, mais pas idéale : il n’est pas évident pour un adjoint de refuser de signer un permis à la place d’un maire en situation de potentiel conflit d’intérêt.