DES PERQUISITIONS DANS L’AFFAIRE MARTINE VASSAL
Nous avons relaté ici l’ouverture d’une enquête préliminaire concernant Martine Vassal, présidente du Département des Bouches du Rhône et de la Métropole Aix Marseille.
L’affaire prend de l’ampleur avec les perquisitions menées ce lundi, dans le cadre de deux enquêtes ouvertes par le Parquet :
- L’une concerne Martine Vassal, pour détournement de fonds publics, trafic d’influence, et corruption. Lui sont reprochées des dépenses considérées comme injustifiées, par exemple un séjour en Arménie, avec « près d’une trentaine de personnes pour près de 120.000 euros », un autre à Naples pour « 70.000 euros, visite des ruines de Pompéi incluse« , la distribution de subventions dans un but clientéliste, ou l’embauche comme directeur de cabinet de Marc Jolibois, avec lequel elle entretiendrait, d’après le signalement, des relations très proches.
- L’autre enquête concerne Erwan Davoux, son ancien directeur des affaires internationales, qui est au départ de l’affaire. Elle fait suite au signalement fait par le département pour « chantage » et « incitation à la haine ».
Des perquisitions ont été menées, d’une part au département, à la métropole, au domicile de Martine Vassal et à celui de Marc Jolibois, d’autre part au domicile d’Erwan Davoux.
Nous ne savons rien, bien sûr, du résultat de ces perquisitions. Mais elles montrent que la justice prend cette affaire au sérieux.
Bien évidemment, on aura droit aux arguments habituels dans ce genre d’affaire : elle éclate juste avant les municipales (qui auront lieu en mars), elle est montée de toutes pièces pour nuire à la désormais candidate à la mairie de Marseille, etc.
C’est classique, mais répétons-le : peu importe la date. Ce qui compte c’est que la justice fasse son travail. Et elle le fait.
Sur un plan juridique, dans ce genre d’affaire, toute la difficulté consiste à réunir les preuves.
Concernant les dépenses « inutiles », il est difficile d’établir à partir de quand elles le sont véritablement. Pour les voyages, par exemple, il est toujours possible à celui ou à celle à qui on les reproche de présenter des arguments, tels que la nécessité du maintien des liens historiques, culturels, ou de la coopération économique. Jusqu’à quel point ces déplacements entrent-ils dans le cadre de la politique de l’institution ? Et à partir de quand doit-on les considérer comme des prétextes pour « couvrir » des activités ou des loisirs privés, hors du champ de l’action publique ? La justice devra dire si ces déplacements, payés par les contribuables, sont justifiés ou non. S’ils ne le sont pas, nous sommes en présence de détournement de fonds publics.
Il s’agit là d’un délit puni, à titre principal, de dix ans d’emprisonnement et d’une amende d’un million d’euros. Le montant de l’amende peut être porté au double du produit de l’infraction.
Concernant les subventions aux associations, là aussi, pas facile de prouver que certaines d’entre elles seraient injustifiées, car attribuées uniquement dans un but clientéliste.
L’utilisation d’une grille de critères précis permet, dans une certaine mesure, d’objectiver la décision d’attribution, mais il ne faut pas trop se faire d’illusions : entre la décision parfaitement justifiée et la décision totalement injustifiée, il y a tout un entre-deux difficile à cerner. Pour que le décisionnaire soit rendu coupable du délit de favoritisme, il faut que sa décision n’ait aucune justification autre que celle de s’assurer des voix.
Si la décision d’attribution est totalement injustifiée, on est en présence, là encore, de détournement de fonds publics, voire de prise illégale d’intérêts si un intérêt personnel est en jeu.
Enfin, concernant les relations entre Martine Vassal et Marc Jolibois, nous sommes à la fois dans la sphère publique et dans la sphère privée.
Martine Vassal a déclaré n’être ni mariée, ni pacsée, et a affirmé ne pas vivre en concubinage.
Les deux premières hypothèses sont faciles à vérifier, puisqu’elles couvrent des situations officiellement déclarées.
C’est plus difficile pour la troisième, car elle impose aux enquêteurs de fouiller la vie privée des personnes concernées.
S’agit-il là d’une intrusion intolérable dans l’intimité des personnes ?
C’est une intrusion, à l’évidence.
Mais Martine Vassal et Marc Jolibois sont des personnes publiques, et le second est le directeur de cabinet de la première.
Rappelons que la loi du 15 septembre 2017 interdit à toute autorité territoriale de recruter parmi les membres de son cabinet :
- son conjoint ou partenaire lié par un Pacs, ou son concubin ;
- ses parents ou les parents de son conjoint, partenaire ou concubin ;
- ses enfants ou les enfants de son conjoint, partenaire ou concubin.
La loi est claire. Et donc, pour établir, s’il y a lieu, le constat de concubinage, il faut bien que la justice fasse ses investigations, dût-elle s’introduire dans l’intimité des personnes concernées.
Sauf que le concubinage, également appelé « union libre », est une union de fait de deux personnes, de sexe différent ou de même sexe, caractérisée par une vie commune stable et continue. Toute la difficulté réside dans ce dernier élément, et tel est le sens, sans doute, des perquisitions au domicile personnel de Martine Vassal et Marc Jolibois.
Comme on le voit, réunir les preuves à propos des faits reprochés n’est pas facile. Mais faisons confiance à la justice.
Cela dit, il faut tout faire pour éviter ces situations : c’est la raison pour laquelle tous nos efforts portent sur la mise en place, en amont, de pratiques qui empêchent – ou au moins limitent – les agissements potentiellement délictueux des élus.
Quant à Erwan Davoux, il a fait l’objet d’un signalement du Département pour chantage et incitation à la haine.
Il semble que les éventuelles preuves de la commission de ces délits soient relativement faciles à réunir, via les témoignages, les écrits ou enregistrements. C’est sans doute pourquoi le parquet a perquisitionné le domicile et saisi le téléphone portable d’Erwan Davoux.
Nous ne manquerons pas de suivre cette double affaire, et de vous en tenir informés.
https://marsactu.fr/perquisitions-en-serie-a-la-metropole-aix-marseille-provence-et-au-departement
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