Président de métropole : une indemnité « ajustable » ?
François Rebsamen, 73 ans, a été nommé ministre de l’Aménagement du territoire et de la décentralisation dans le gouvernement de François Bayrou.
Il a été maire de Dijon et Président de Dijon Métropole jusqu’au 25 novembre dernier, date à laquelle il a cédé son fauteuil de maire à sa 1ere adjointe, tout en conservant la présidence de Dijon Métropole.
Trois jours après, le 28 novembre, François Rebsamen fait voter lors d’une séance du conseil métropolitain une augmentation de plus de 50% de son indemnité de président de Lyon Métropole, ce qui représente 25.000 euros par an, soit une augmentation de plus de 2.000 euros par mois.
Et que répond l’intéressé lorsque l’opposition s’offusque de cette augmentation ?
« Tout le monde a bien compris que je ne percevais plus rien de la Ville de Dijon ».
Il faut donc comprendre que cette augmentation a vocation à compenser la « perte » de son indemnité de maire.
Et il ajoute : « Je suis en dessous du niveau maximum autorisé par la loi et je prends ici les indemnités du travail que je fais pour la Métropole ». (La loi prévoit un plafonnement global pour les revenus issus de fonctions publiques à 11.239,50 € brut par mois).
En quelques chiffres :
En tant que maire de Dijon, Mr Rebsamen percevait une indemnité de 5.960 € /mois, à laquelle s’ajoutaient 3.920 € /mois en tant que président de la métropole (soit au total 9.880 € /mois).
En laissant son fauteuil de maire, Mr Rebsamen perd donc ses 5.960 € /mois, mais avec le vote au Conseil métropolitain de l’augmentation de son indemnité de président jusqu’au maximum autorisé, soit 5.960 € /mois, il limite sa « perte » à 3.920 €/mois.
Cette histoire soulève beaucoup de questions
Après 23 ans à la tête de Dijon, Mr. Rebsamen a démissionné à 73 ans de son poste de maire. Le vote ayant permis de faire passer son indemnité de président de la métropole à 5.960 € /mois apparaît comme une compensation pour le « manque à gagner » dû à l’abandon de son mandat de maire, et il ne s’en cache pas.
C’est à la fois révélateur et profondément choquant.
C’est révélateur du fait que beaucoup d’élus considèrent, avec le temps, leur mission au service de la collectivité comme une source de revenus (qui peut pour certains être la principale, voire l’unique). Ce qui les amène « naturellement » à considérer leurs fonctions politiques comme une activité professionnelle.
Malheureusement, le « temporaire » a tendance à se transformer pour certains en « pérenne », et c’est la conséquence directe du renouvellement indéfini des mandats dans le temps : les élus s’installent dans leur statut d’élus, et ont beaucoup de mal à y renoncer, en particulier quand ce statut leur procure un revenu confortable.
Comment revenir à la vie « normale », quand on a pendant longtemps (parfois des décennies) vécu uniquement de la politique ? Le retour est peut-être compliqué mais on ne peut pas approuverun système qui pousse les élus à le rester indéfiniment.
Il faut donc à la fois limiter le nombre de mandats dans le temps et prévoir des dispositifs permettant d’accompagner le retour à la vie « normale ».
Ce qui est aussi choquant dans cette affaire, c’est que le Conseil métropolitain approuve l’augmentation de l’indemnité de Mr Rebsamen, sans aucune justification.
Comme l’a relevé un élu d’opposition au Conseil métropolitain, (« Vous étiez président de la Métropole hier, vous l’êtes aujourd’hui. Rien n’a changé »), soit on est président d’une institution, soit on ne l’est pas : on ne peut pas l’être à moitié. Prétendre que libéré de ses fonctions de maire, Mr Rebsamen pourra se consacrer davantage à la métropole, c’est admettre que les fonctions de président de métropole sont à géométrie variable, selon le temps dont ce dernier dispose. C’est choquant : l’argent des contribuables ne peut servir impunément aux élus pour s’augmenter, sans motif valable.
Le revenu d’un ministre étant d’environ 10.500 euros bruts par mois, Mr Rebsamen ne pourra pas cumuler ses indemnités de ministre et de président de Dijon métropole.
Mais on peut se demander si ses fonctions de ministre lui laisseront le temps de s’occuper « en même temps » de la métropole.
Pour Mr Rebsamen, farouche défenseur du cumul des mandats, la réponse est à l’évidence oui. Certes, il ne pourra pas comme Mr Bayrou, utiliser le Jet présidentiel pour se rendre à Dijon présider les séances du Conseil métropolitain. Mais il s’y rendra, convaincu que seul le cumul des mandats permet de « maintenir le contact avec le terrain » de ceux qui sont appelés à gérer le pays depuis leurs ministères parisiens. À Ethicpol, nous pensons exactement le contraire. Et nous continuerons à œuvrer pour que la loi vienne limiter non seulement le cumul des fonctions, mais aussi et surtout, le nombre de mandats successifs. Nous sommes convaincus que c’est cela qui crée et perpétue l’existence d’une « classe politique », dont les français se sentent de de plus en plus éloignés.