LE TRES CHER FAUTEUIL DU PRESIDENT DU SENAT
Mise à jour de l’article, le 22 janvier
Dans le Canard Enchaîné de cette semaine, on trouve quelques précisions sur l’affaire que le journal avait révélée, et dont nous nous sommes fait l’écho.
D’abord, sur le prix d’achat de ces deux fauteuils (encore une fois, pourquoi deux ?)
Après les révélations du Canard, le président, G. Larcher, avait indiqué que le prix n’était pas de 40 000 euros, mais de 34 000.
Mais le Canard indique qu’il s’agit de 34 000 euros hors taxes.
Or, le Sénat est, comme les autres acteurs économiques, soumis, pour cet achat, à la TVA au taux normal de 20%, et non au taux réduit de 10%, puisque le Sénat n’est pas une habitation.
Dans ce cas, et si les chiffres donnés par G. Larcher sont exacts, l’achat de ces 2 fauteuils aurait donc coûté aux contribuables 40 800 euros, alors que le seuil de publicité et de mise en concurrence pour un marché de ce type est de 40 000 euros…
Rendre public ce marché serait un bon moyen savoir ce qu’il en est exactement.
Ensuite, on peut s’interroger sur l’implication du président du Sénat dans cet achat.
Est-il plausible que l’on commande un prototype pour tester avant achat un fauteuil destiné au président, sans que ce dernier soit au courant de cet achat ?
Surtout quand on sait que, d’après le Canard Enchaîné, les huit vice-présidents du Sénat ont essayé, tour à tour, ledit prototype.
Alors que le président, à qui le fauteuil est destiné, affirme, lui, qu’il « n’était pas informé » ?
Peut-être était-ce un cadeau surprise des huit vice-présidents au président, cadeau payé avec les deniers publics ?
Ou alors il faut croire que Mr Larcher a tellement confiance dans le jugement de ses vice-présidents qu’il n’a même pas besoin de vérifier par lui-même si ce fauteuil lui convient…
Qu’on ne s’étonne pas si les citoyens se sentent de plus en plus éloignés de la classe politique et ne prennent plus la peine de se déplacer pour aller voter.
Article initial du 14 janvier
Le Canard enchaîné nous apprend l’histoire surprenante du changement de fauteuil du président du Sénat, le précédent ayant été réparé plusieurs fois, à la suite de nombreuses manipulations.
Jusque-là, rien de scandaleux : quand un fauteuil est irréparable, il faut bien le remplacer.
C’est la façon dont s’est déroulée cette affaire qui appelle plusieurs remarques.
S’agissant du Sénat, il est d’usage de solliciter le Mobilier National pour la fourniture d’un fauteuil de remplacement. Ce qu’a fait Gérard Larcher, sauf qu’il n’a pas trouvé à son goût les fauteuils de remplacement proposés.
Première remarque : sauf impossibilité absolue, lorsqu’on est élu et qu’on travaille au service de la République, on utilise les moyens mis à sa disposition. Personne n’imagine que le Mobilier National ait proposé à Mr Larcher une vulgaire chaise.
Le Sénat a donc lancé un marché pour acquérir ce nouveau fauteuil.
Il faut croire qu’aucun fauteuil existant ne pouvait convenir à Mr Larcher, puisqu’il est question d’un marché de « conception et fabrication », c’est-à-dire de création d’un fauteuil sur mesure.
C’est doublement choquant : d’abord parce qu’on ne peut pas imaginer que les services du Sénat soient incapables de trouver auprès du Mobilier National un fauteuil qui convienne à l’usage qui doit en être fait. Ensuite parce que se faire fabriquer un fauteuil sur mesure, c’est considérer que vous êtes en fonction ad vitam æternam, alors que vous êtes élu pour une durée limitée, et peu importe que Mr Larcher soit président du Sénat depuis déjà 10 ans.
Et quel est le coût de ce fauteuil sur mesure ? Le Canard enchaîné a avancé un chiffre de 40 000 euros, mais après publication de l’article, Gérard Larcher a précisé que l’opération a coûté 34 000 euros, pour deux fauteuils (pourquoi deux ?) et un prototype (!).
Difficile à admettre, lorsqu’on cherche par tous les moyens à réduire les dépenses publiques.
Ce n’est pas tout :
Le Canard enchaîné indique que ce marché a été passé « sans publicité ni mise en concurrence ».
Après examen des textes, en l’occurrence l’article R2122-8 du code de la commande publique, il se trouve que le seuil de publicité et de mise en concurrence pour un marché de ce type est de 40 000 euros. On est donc a priori dans la légalité (« dans les clous », pourrait-on dire).
Mais le même article indique : « L’acheteur veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin. »
Une telle somme pour un fauteuil, est-ce « une bonne utilisation des deniers publics » ? Poser la question, c’est y répondre.
Pour finir, on peut aussi s’interroger sur les raisons pour lesquelles le nom de l’entreprise qui a été chargée du travail est gardé secret. S’agissant d’une dépense faite sur les deniers de la République, les citoyens sont en droit d’exiger la plus parfaite transparence, ce qui est toujours le meilleur moyen de lever d’éventuels soupçons de favoritisme, que le secret alimente inévitablement.
A la suite des révélations du Canard Enchaîné, largement reprises dans la presse, Gérard Larcher dit qu’il n’était « pas au courant » de cet achat.
Il reconnaît « une erreur », et indique qu’il a « demandé une enquête ».
Nous aimerions savoir comment cette « erreur » sera réparée. Quant aux résultats de l’enquête, vu sa très grande complexité, il faudra sans doute un certain temps pour établir les responsabilités. Soyons patients…
Nous reviendrons plus en détail sur le fonctionnement du Sénat, et sur le rôle et la pertinence de cette institution, dont le moins qu’on puisse dire est qu’elle ne ressort pas grandie de cette affaire.
https://lire.lecanardenchaine.fr/viewer/6988/5435/1
Une info à partager ?